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8 janvier 2015 4 08 /01 /janvier /2015 18:16
Dessiner  dans la liberté, l'égalité, la fraternité
 

L'Union des scénographes s'associe au beau mouvement de tous ceux qui se lèvent à la suite de l'assassinat des dessinateurs, chroniqueurs, collaborateurs de Charlie Hebdo ainsi que des policiers chargés de leur protection.

Pour nous tous, ceux-là ont été les compagnons de notre enfance et de notre jeunesse. Nous avons été, nous sommes et nous serons Charlie.

Les criminels fauteurs de trouble ont cru justifier leur immense bêtise au nom de la vengeance, au nom d'un prophète, comme ils croient bêtement avoir tué un journal qu'ils n'ont jamais lu.

Ils croient réduire et affaiblir la liberté de la presse et altérer la sécurité civile et publique.

Ce crime est la démonstration de leur propre faiblesse, intrinsèque, de leur affaiblissement et de l'impuissance de ceux qui les activent.

Comme l'a souligné Robert Badinter, ce crime se veut être aussi un piège ourdi par ceux qui ont instrumentalisé la débilité de ces criminels, qui ont utilisé leurs kalachnikovs déshonorantes contre des crayonneurs de l'honneur et de la dignité humaine.

Comme elle dénonce ce crime ignoble, l'UDS dénonce ce piège inepte.

La stratégie de ces trafiquants de la religion, le calcul des commanditaires qui en instrumentalisent honteusement les principes, est de faire le choix de la pulsion de mort contre la force de la vie, cherchant à bénéficier pour un sombre business et de misérables calculs politiques, des illusions religieuses. Que les Etats qui les favoriseraient mesurent bien la portée de leurs éventuelles responsabilités.

Chacun connaît la source des violences et le terrain d'enjeu où des groupes sèment la mort en Irak, en Syrie, au Yémen, en Libye, au Mali, etc... Le piège est de fomenter la propagation de la destruction et d'instiller une guerre mondiale, de porter la guerre dans nos villes.

L'argument central que veut renforcer ce piège tendu, est de légitimer de façon manichéenne les conflits au nom d'on ne sait quel choc des civilisations, et d'instiller la peur par l'amalgame. Pas un chrétien, pas un musulman, pas un juif, pas un bouddhiste ne doit alimenter ce feu mortel. Au-dessus de toutes les confessions, il y a les citoyens.

Le XXIe siècle ne sera pas religieux, ni l'époque d'une guerre des religions. Celles-ci doivent rester à leur place et ne pas prétendre régenter la vie publique, la politique, et pour cela se placer dans la liberté des consciences permise par la loi et non sous le joug de la dictature d'une foi. Face à cette hypothèse belliqueuse du choc des civilisations, qui est parfois répercutée en France par des esprits plus craintifs que prophétiques, plus idiots que malins, dont la goguenardise est assez minable, la devise de la République, les valeurs de la démocratie prennent tout leur sens, le sens de la citoyenneté.

Chaque religion doit faire son aggiornamento et rejeter les intégrismes de tout poil.

Comme le pense Ariane Mnouchkine, ébranlée par la tuerie qui a eu lieu au cours d'une représentation théâtrale à Kaboul, reprenant ces mots à Dostoïevski, "c'est la beauté qui sauvera le monde. Et si nos amis ne le croient plus, nos ennemis, eux, le savent". En détruisant les sites afghans, les splendeurs de Tombouctou, d'Alep ou de Sanaa, mercredi en tuant froidement à Paris des dessinateurs, des artistes, des intellectuels, des policiers, les tueurs veulent atteindre la beauté et la joie, le goût des autres, la liberté de penser.

Plus que jamais, la démocratie représentative, les représentations artistiques, la célébration des valeurs humaines doivent guider la lutte contre la dictature des esprits et le rabaissement de toute dignité. Nous avons un idéal, nous vivons avec un idéal que révèle le mouvement qui se lève contre ceux qui n'agissent que dans une mécanique de la souffrance et du martyr, c'est celui de la chose publique, de l'espace public : liberté, égalité, fraternité, synthétisées dans l'idéal de la laïcité qui est l'antidote à tous les sectarismes et intégrismes.

Les auteurs, les peintres ont souvent représenté des figures héroïques : les voilà devenus des héros malgré eux par le seul exercice de leur art. Des héros, et non pas des martyrs. La culture des martyrs est mortifère; aucune croyance ne peut justifier le martyr. Partir en héros, avec le sourire, le crayon à la main face à des engins de mort, est la preuve de l'humanisme qui nous habite. Mourir sur la page blanche qui va se remplir, sans avoir souhaité ni redouté cette mort, est une belle forme d'héroïsme ordinaire.

Qui anéantit ceux qui ne rêvent que du néant, qui pensent avoir le temps pour eux. Le temps les dévorera, soyons en convaincus.

Dessiner, imager, imaginer, exprimer librement est la voie contre tout ce qui veut obscurcir le monde et voiler la vérité. Dessiner c'est dévoiler. Représenter, c'est ouvrir la scène de l'échange. Nous n'avons à nous soumettre à aucune vérité révélée sans que cette révélation ne soit disséquée. La soumission ne fait pas partie de notre vocabulaire. Ni soumission, ni confession, ni démission, ni conversion, ni croyance aveugle, mais la République, la représentation, la vie. L'art et la loi.

Les scénographes unis

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