Chaque fois que je te retrouvais, pour travailler, ou pour simplement parler de tout et de rien, surtout de tout, tu étais toi-même parce que tu étais nouveau. Tu savais plus, tu savais mieux, tu expliquais mieux, tu dessinais encore plus vite, il te suffisait de quelques traits, j’avais compris. Tu me convainquais presque toujours, en fin de compte, toujours. Tu étais patient. Tu m’écoutais. Tu attendais la fin de mes divagations. Tu comprenais. Tu approuvais. Tu triais. Et puis tu me proposais mieux. Mille fois mieux.
Comme c’était gai et amusant de travailler avec toi. Une récréation sérieuse et drôle.
Tu la rendais grandiose. Tout était permis, sur le papier. Des jungles, des temples, des dunes, des barrages, des camions dans le désert, des fleuves.
Et pour transporter tout ça en tournée, nous avions même pensé, très sérieusement, à un dirigeable. Oui, il y a 40 ans, nous pensions déjà, qu’un jour, le transport aérien devrait se faire en dirigeable. Pour économiser l’énergie. Et surtout parce que c’était beau. Et silencieux pour les riverains.
Ariane Mnouchkine, 11 février 2014
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