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25 janvier 2009 7 25 /01 /janvier /2009 17:40

Le  Président de la République aime les artistes. Il l'a affirmé en présentant ses vœux aux acteurs de la Culture à Nîmes mardi 13 janvier 2009. Il vaut de lire dans le texte la partie réservée à la création artistique et au spectacle vivant.

« J’en viens maintenant à un sujet très important et très difficile, par lequel je voudrais terminer, qui est le sujet de la création artistique. C’est une affaire très difficile parce que la création a besoin de liberté. La création a aussi besoin d’être soutenue, parce que l’on ne rencontre pas son public tout de suite, et les exemples sont innombrables de débuts de carrière difficiles, ou d’échecs artistiques retentissants, qui sont devenus ensuite des chefs d’œuvre de notre patrimoine culturel.

J’ai voulu que l’Etat redéfinisse sa politique à l’égard de la création, non pas pour asservir les artistes aux goûts du public, encore moins à ceux de l’administration, mais simplement pour réaffirmer une évidence : celle de l’excellence.

Si je résume, chère Christine, l’avis, le diagnostic porté par les experts sur le spectacle vivant, notre politique souffre d’un empilement de subventions. C’est un travail épouvantable pour obtenir une subvention, mais quand on l’a, on est quasiment assuré de la garder. Aussi la multiplication des productions a-t-elle conduit à engorger les salles, et pour le théâtre, la difficulté a été accrue par la coupure, toujours un peu étonnante, qui existe entre les théâtres privés et les théâtres publics : comme s’il existait des œuvres  privées et des œuvres publiques ! C’est un débat que j’aimerais poursuivre parce que, franchement, je ne comprends pas bien cette distinction.

Quel a été le résultat ? Des créateurs appauvris, un chômage massif d’artistes et de techniciens intermittents, et une forme d’égoïsme entre les générations, parce que la politique des guichets répond à la logique du « premier arrivé, premier servi », ce qui renforce les artistes déjà établis et exclut les nouveaux talents. En lançant les « entretiens de Valois », Christine Albanel a souhaité prendre le temps d’une grande concertation, qui s’est déroulée sur toute l’année 2008.

Le temps de la décision est donc arrivé. Comme on dit qu’il n’y a pas de mot d’amour mais des preuves d’amour, je vous annonce qu’en 2009 l’Etat versera l’intégralité des crédits votés en loi de finances pour la création, en levant la mise en réserve, et nous accompagnerons cette réforme les années suivantes autant qu’il sera nécessaire. Naturellement je veux une véritable réforme, conforme à la feuille de route fixée à l’été 2007 : recentrer les aides sur l’excellence artistique, mieux diffuser les œuvres, soutenir l’éducation artistique, renforcer l’évaluation, professionnaliser le dialogue avec les autres financeurs publics.

J’ai demandé par ailleurs qu’on crée un Conseil pour la création artistique, instance que nous présiderons, Christine Albanel et moi, et qui sera animée par une personnalité importante de notre vie culturelle, Marin Karmitz. Je crois que l’Etat est parfaitement légitime pour financer la création, mais il doit concevoir son action en association étroite avec les artistes, les professionnels et le public. En matière de création, Marin Karmitz est quelqu’un qui sait de quoi il parle, son expérience et son parcours en attestent.

Je veux également vous dire mon attachement au régime spécifique de l’intermittence. Ce régime doit perdurer, tout en étant réservé aux situations pour lesquelles il est réellement légitime, en veillant à combattre fermement les abus. »

Si l’on résume l’analyse de la situation par le Président de la République, il semblerait qu’il faille comprendre que cette situation se caractérise ainsi : l’empilement des subventions et le parcours de combattant pour en obtenir une, le fait qu’en obtenir une se traduise le plus souvent par sa reconduction systématique, ce qui en fait une sorte de rente,  égoïstement défendue part les « établis », tout cela conduit à une prolifération des productions et conséquemment à un engorgement des salles : trop de spectacles, pas assez de salles, pas assez de spectateurs. Il semble donc qu’il faille conclure de cette analyse approfondie qu’il s’agit de remédier à cela de la façon suivante : moins de parcours de combattant pour obtenir une subvention, mais des subventions plus précaires, pas de situation acquise durablement par un artiste, il s’agira donc de déshabiller Paul pour habiller Pierre, de privilégier les jeunes et de mettre les vieux à la retraite, de réduire la coupure entre théâtre privé et théâtre public.

Mais le Président dit aimer les artistes, et la création, et entend leur faire savoir. Et comme il n’y a pas de mot d’amour mais des preuves d’amour, il donne des preuves : d’abord (il le dit à un autre moment de son discours), il entend confirmer l’existence du ministère de la Culture. Une rumeur lors de la campagne présidentielle le disait sensible aux arguments de ceux qui prônent la disparition de ce ministère. Ensuite, une autre rumeur disait que Darcos aurait aimé regrouper sous son ministère l’Education et la Culture. Il n’a pas obtenu satisfaction. Darcos semble à présent en disgrâce et le Président aime le ministère de la Culture dont il confirme son existence de plein exercice à l’occasion de son cinquantième anniversaire (anniversaire du ministère pas du Président) tout en le réorganisant fortement dans le cadre de la RGPP (c'est-à-dire en le dégraissant) ; ensuite, il dit qu’il va lever les réserves budgétaires imposées par Bercy à tous les ministères ; de quoi s’agit-il ? Chaque ministère voit ses crédits votés gelés à hauteur de 5% chaque année. C’est le cas pour 2009. C'est-à-dire que la somme affectée à un ministère – souvent la reconduction sans augmentation du budget précédent – représente seulement 95 %de cette affectation, 5% étant gelés (et rarement dégelés en fin d’exercice, surtout par les temps frisquets qui courent). Donc le Président dégèlerait d’entrée d’année non pas 5% mais 6%... faisant passer cette retenue et cette restitution pour une augmentation...Encore, il crée un Conseil pour la création artistique, instance qu’il présidera lui-même, probablement pour montrer l’amour qu’il porte aux arts. Il est à se demander quelle est la mission de son ministère et de son ministre...Enfin, il confirme son attachement au « au régime spécifique de l’intermittence », ce que traduira sa ministre en disant que « le statut de l’intermittence » est confirmé.

En conclusion, un passage est assez significatif (inconsciemment comme toujours chez ce Président). Ce passage concerne le sujet de la création.  Le Président dit qu’il s’agit d’une affaire très difficile parce que la création a besoin de liberté. Aussi redéfinir la  politique de l’Etat à l’égard de la création n’a pas vocation à  asservir les artistes, mais probablement à les soutenir mieux et à les libérer. C’est ce que l’on peut appeler une vision de l’Intérieur...

Une belle perle rhétorique nous rassure : combien « de débuts de carrière difficiles, ou d’échecs artistiques retentissants, qui sont devenus ensuite des chefs d’œuvre... » Ce discours deviendra probablement un chef-d’œuvre...L'amour est aveugle.

 

 

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